La maison de ventes Parisienne lève le voile sur une ravissante et délicate montre de col de style Art nouveau en or jaune réalisée par le maître français entre 1895 et 1900.
Entré dans le métier en 1880 comme dessinateur de bijoux pour les joailliers du Palais-Royal à Paris, René Lalique (1860-1945) se fait rapidement remarquer par la qualité et l'originalité de ses dessins, tous inspirés des « trois F » ayant forgé son oeuvre : la femme, la flore et la faune. Orfèvre de la joaillerie pure, il participa notamment à l'Exposition universelle de 1889 en tant que collaborateur de Vever et de Boucheron. Une expérience qui lui a permis de voir ses commandes se multiplier et d'agrandir ses ateliers. « La grande révolution qu'aura accomplie Lalique aura été de créer le bijou pour l'art et non pour la richesse de la matière, et de s'adresser avec indépendance à tous les moyens d'expression que lui assurait l'association des divers procédés de travail des pierres, du métal et des émaux. Il traduit exactement en pulpe merveilleuse d'opale, de nacre ou d'émaux limpides, la chair fragile et lumineuse des fleurs. L'or des chevelures, le corail des lèvres, les saphirs des yeux ne sont plus, grâce à lui, de vains mots » dira le critique d'art Léonce Bénédicte.
Une révolution artistique et intellectuelle adoptée en réalité dès 1892 par René Lalique, l'inventeur, selon Emile Gallé du bijou moderne. En effet, c'est très tôt que cet artisan et esthète de l'art joaillier eu un besoin impératif d'indépendance dans sa création relative à l'Art nouveau. Une nouvelle expression artistique née à la fin du XIXe siècle et inspirée par la nature. Mais là où beaucoup tâtonnent, René Lalique innove en s'affranchissant des codes esthétiques et académiques de l'époque. « C'est un effort vraiment extraordinaire que je dus faire pour sortir complètement de ce que j'avais fait précédemment. Je travaille sans relâche avec la volonté d'arriver à un résultat nouveau et de créer quelque chose qu'on n'aurait jamais vu », dira Lalique à la veille de l'Exposition universelle de 1900.
Une dizaine de montres signées Lalique connues à ce jour
Un évènement peu anodin dans la vie du maître français dont les gemmes colorées, les perles nacrées et autres émaux subtils s'arrachent des célébrités appartenant à l'aristocratie russe, viennoise ou française telle que sa grande amie et comédienne Sarah Bernhardt à qui il prêta notamment son chef-d'oeuvre : le célèbre Pectoral à la libellule exécuté vers 1897.
La manifestation assura sa consécration et fut pour René Lalique, l'occasion de dévoiler les collections sur lesquelles il travaille depuis plus de dix ans et qui reçurent du public un accueil très chaleureux. Ainsi en témoigne son collègue joaillier et ami Henri Vever qui décrivait « « une foule avide et serrée se pressait pour voir ses œuvres, dont on parlait partout. Il y eut entre ses admirateurs et détracteurs des discussions violentes, des exagérations de part et d'autre ». Sur place, une photographie prise sur le stand René Lalique et publiée en 1901 dans la revue Art et Décoration montrait par ailleurs une vitrine dédiée aux boîtiers de montres estampillées Lalique. Des garde-temps de poche semblables à celui que ARP Auction met prochainement à l'encan.
Il s'agit ici d'une montre de col pour dame de style Art nouveau en or jaune de 18 carats réalisée entre 1895 et 1900. Elle est ornée d'un décor double face de feuilles de chêne ciselées et gravées ainsi que de glands émaillés sur paillons vert d'eau donnant à la pièce un aspect quasi translucide. En effet, René Lalique utilisait la technique de l'émail à-jour également appelé « émail à fenestrage » ou « émail en vitrail ». Un procédé permettant à la lumière de traverser la matière à la manière des vitraux. Datant du Moyen-Age, puis tombée en désuétude, la méthode fut reprise à la seconde moitié du XIXe siècle. Ainsi, à partir des années 1890, l'émail à-jour est repris par les bijoutiers de l'Art nouveau qui le développèrent jusqu'à son plus haut niveau d'excellence comme l'illustre la montre proposée aux enchères entre 30 000 et 40 000 euros. Une estimation raisonnable sachant que seule une dizaine de montres de ce type est connue à ce jour dont un modèle de poche Scarabée Rhinocéros et Fleurs de trompettes conservé au Musée Patek Philippe de Genève ainsi que deux versions de la montre Pommes de pin gardées au sein des collections du Musée des Arts Décoratifs de Paris.